L'encre coule pour vous saluer

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Le vent glacial soulève l'épais manteau de sable recouvrant la totalité de l'île des sages , tourmentée par de terribles maux. Les dunes à perte de vues , imposantes et immortelles , abritent dans leur vallées d'innombrables combattants , glissant silencieusement vers l'avant , faiblement éclairés par la lueur blafarde de la lune. Seuls les battements irréguliers de leur coeur , effrayés et enragés à la fois , semblent briser le silence du désert , outre le vent s'agitant du malheur qui approche. Atteignant le sommet d'une de ces terres de sable , ce qui semble être une armée redresse petit à petit ses membres , comme souhaitant faire face à une menace. Les terres éloignées d'Oxoroc et autres villages environnants , sont parait-il , sans cesse imprégnées de sang , et tourmentées par les vacarmes des combats. Cette nuit , deux peuples vont combattre , pour des raisons malheureusement trop floues. Parmi eux , un homme portant des turbans sur son visage afin de se protéger des fouettements du sable , semble être le plus agité.

Son coeur bat à tout rompre , anxieux et pressé d'en finir avec ce cauchemar , qui signifiera sans doute sa mort. Les lames se tirent , les lances s'abaissent , et les arcs se bandent. En effet , une armée opposée trône sur une dune de sable , en face des fiers guerriers. Ils semblent être plus nombreux , mais cela ne suffira pas pour éteindre la flamme de combat maintenant les soldats debout. Ils ont des familles à protéger , des vies à sauver , et d'autres à prendre , pour maintenir leur propre paix. Pour cela , tous se sont résolu à baigner dans le sang , et éteindre le souffle de leurs ennemis de par leurs lames. Quelques minutes passent , tout aussi silencieuses. Les deux forces armées se dévisagent , se jugent , pensant déjà trouver une issue à cette bataille. Sans plus tarder , l'armée de l'homme aux turbans pousse un cri de guerre qui s'éteindra bientôt. Le sable semble menacer de s'écrouler sous leurs pas lourds et destructeurs , l'air déjà se laisse fendre par les armes aiguisées avides de sang et de combat.

C'est alors que l'impact se produit , les premières lames traversent les corps des hommes , tombant lourdement au sol , sans vie. Des pluies de flèches s'abattant de toutes parts sur les deux camps , transperçant les gorges de certains dans de grandes éclaboussures de sang et des étranglements de souffrance. Les combats se font rudes , mais parfois courts. La fureur des hommes est sans égale , faisant penser à une rage animale ne possédant aucune limite à la violence. Les têtes tombent , et le sang coule à flots. Les pupilles des yeux sortent de leurs orbites , et les coeurs tumultueux s'arrêtent les uns après les autres. Ce scénario perdure des heures durant , jusqu'à ce que finalement , plus aucun bruit ne se fait entendre. L'homme aux turbans est ensanglanté , mais haletant , il tient toujours , repoussant le corps d'un de ses assaillants au sol. Ses bras s'engourdissent , et sa vue se trouble. Tout semble étrange , plus rien ne bouge , mais pourtant il se sent en vie. Les barbares ont-ils compris que son peuple se battrait jusqu'à la mort ?

Comprennent-ils la futilité de leurs actes , et réfléchissent désormais à une possible retraite ? Sous les yeux ébahis de l'homme , l'impossible se produit enfin. L'armée décimée s'en retourne , et s'éloigne lentement. Une autre sensation autre que la souffrance saisit son coeur , poignante , la joie. Brandissant sa lame , il pousse un cri de victoire à en réveiller les morts , libérant outre sa haine et son soulagement. C'est alors que le rideau tombe. Il comprend tout. La raison de la retraite de ses ennemis. Son cri victorieux n'est guère accompagné par ses camarades. C'est alors que tout tomba dans le chaos autour de lui , c'est en regardant les dunes derrière et autour de lui qu'il s'aperçut de la cruelle vérité. Il était le seul survivant de ce carnage , voilà pourquoi. Les corps empilés et mutilés ne répondent pas à son appel , et ne répondront sans doute jamais. Comme figé , l'épée de l'homme reste figée dans les airs , refusant de croire en la défaite.

Ils étaient vaincu. Une fine pluie commence à s'abattre sur les corps sans vie de ses camarades et sur ses propres blessures. Il tombe à genoux sur le sable imbibé de sang , lâchant son arme , à bout de forces. Les larmes coulent rapidement sur son visage. Il est le seul survivant de ce scénario macabre , et il sera le seul à partager cette humiliation , s'il survit. Des râles brisant sortent de la gorge de l'homme , succombant à la peine et la tristesse , peinant même à en ressentir de la haine. Pourquoi les Dieux lui infligent-ils cela ? A t-il mérité de subir seul cet échec , et d'en maudire les conséquences ? Est-ce une punition parce que son peuple n'a pas combattu avec assez d'ardeur ? Les mots ne sortent pas , ses lèvres tremblent et ses dents se serrent. Une pensée insensée lui vient alors à l'esprit : mettre fin à ses jours. C'est avec une profonde tristesse , et une résolution inébranlable qu'il saisit sa propre l'homme tachée de sang , et la porte à son cou. Mais il ne peut pas ... Il ne peut pas réduire à néant les sacrifices de ses frères d'arme , lui ayant accordé la chance de survivre. Ce serait cracher sur leur tombe d'en finir maintenant , nier que chacun souhaitait par delà la victoire , vivre et s'en retourner vers les siens. Impuissant face à la culpabilité , il lâche de nouveau son arme , et se lève difficilement , ses membres meurtris par différentes blessures.

Le pas boitant , il enjambe les corps de ses frères n'osant pas les regarder , et s'éloigne petit à petit du chant de bataille. Il ne souhaite pas leur offrir une sépulture décente , pas comme sur les terres du roi. Ils ont toujours vécu dans le désert aride , et seront donc enterrés selon la tradition ... recouverts par le sable , qui prendra soin de faire disparaitre leurs corps à tout jamais. Depuis ce jour , la vie de cet homme , Encre , est sans cesse tourmentée par les regrets et le désespoir. Chaque nuit il refait le même cauchemar , se remémorant cette terrible bataille. Il avait marché pendant plusieurs jours , sans manger ni boire , jusqu'à s'écrouler d'épuisement non loin d'un village. Ainsi , il avait été sauvé par un voyageur , et sauvé en vitesse. Il s'était retrouvé dans son village natal. Lors de son réveil , il ne mit que très peu de temps avant de comprendre où il était , et personne n'était à son chevet pendant la nuit.

Il ne supportait pas l'idée d'annoncer seul le goût amer de la défaite , et d'avoir survécu à ce champs de bataille emplit de ténèbres. Légèrement remis sur pieds , il prit la fuite cette même nuit , et on ne le revit jamais dans ce village. Les rumeurs affirment parfois que suite à son départ , le village disparu à son tour , assiégé par lesdits barbares. Encre erra des années durant dans le désert , en quête d'asile et de paix. Il arriva alors à Oxoroc , et prit le premier bateau pour Trigorn , s'étant enfui avec quelques pièces d'or. Il voulait quitter au plus vite ces terres qui ne faisaient que ressasser en lui des souvenirs horribles. Il prit pour la première fois la mer , et ne cessa jamais d'être étonné en découvrant le royaume de Roland IV. Il découvrait rarement son visage autrefois , se protégeant sans cesse du sable , mais ici il n'avait pas toutes ces choses à craindre , et chercha ainsi un nouveau but à sa vie , en plus de l'oubli de ces jours funestes. Le rescapé parmi tant d'autres sur cette terre se dirigea vers la ville de Trigorn une nouvelle fois , et mit tout en oeuvre pour vivre.

L'oubli aura sans doute raison de lui ...